Accueil d’Emilie LAVIE du 01/09/2022 au 31/08/2023

Accueil d’Emilie LAVIE du 01/09/2022 au 31/08/2023

Emilie LAVIE, est invitée dans le cadre d’une délégation CNRS durant l’année académique 2022-2023.

Emilie LAVIE est Maîtresse de conférences HDR à l’Université Paris Cité, spécialisée en hydrogéographie, hydrosystèmes artificiels, gestion des eaux et de leur pénurie.

Le projet de recherche qu’elle mène à LAM s’effectue au sein de l’Axe 5 — Risques sanitaires, crises agraires et défis environnementaux.

Sur quelles thématiques portent généralement vos recherches en hydrogéographie ?

J’ai une formation en environnement. Je travaille sur la gestion de l’eau, notamment les pénuries en eau et l’irrigation. Mes travaux portent plus particulièrement sur les réseaux construits par l’homme, par les gestionnaires d’irrigation ou d’eau potable (en opposition aux réseaux naturels).

Les barrages et réseaux d’irrigation sont parfois construits pour dit-on « acheter une paix sociale », « limiter les conflits » sur le terrain. Mais dès lors qu’on prélève de grandes quantités d’eau et qu’on transforme les réseaux naturels en réseaux artificiels, ces constructions ont un impact sur l’hydrosystème, sur les milieux et sur l’environnement. Ce qui m’intéresse ce sont les enjeux environnementaux de ces manques d’eau et les enjeux sociaux et économiques qui en découlent.

J’analyse aussi la façon dont ces pénuries et ces problèmes environnementaux sont instrumentalisés par les politiques pour justifier le financement de grandes infrastructures telles que les barrages et les canaux.

Je cherche à faire la synthèse entre les acteurs de l’environnement, les acteurs politiques et les acteurs associatifs ; soit tous ces lobbies qui n’ont ni les mêmes objectifs ni les mêmes calendriers. J’étudie également les jeux de pouvoirs entre eux.

J‘ai d’abord travaillé sur le terrain Argentin avant de m’intéresser au Soudan, et depuis cinq ans, je me spécialise sur la Tunisie, plus particulièrement la région de Sfax. Car ces zones ont comme caractéristiques de recevoir généralement peu de précipitations (arides) ou d’être touchées par les changements climatiques (zones moins arrosées).


Quelles questions allez-vous traiter durant ce séjour à LAM ?

Plus spécifiquement, mon objectif durant mon séjour est de comparer si les modèles que l’on observe dans les grandes oasis (aux Etats-Unis, en Argentine, en Afrique du Sud, en Australie) se retrouvent aussi en Méditerranée.

D’un côté la Méditerranée possède une histoire environnementale diversifiée, plus longue et plurielle. Et de l’autre côté, ces pays du Nouveau Monde ont une histoire environnementale beaucoup plus courte et plus marquée par la colonisation.

Dans le cadre du dispositif de mobilité du CNRS, je ne donne pas de cours durant cette année. Je peux ainsi en profiter pour aller sur le terrain autour de la Méditerranée (dans le Sud de la France et dans le Nord de la Tunisie) pour y collecter des données et rédiger des articles scientifiques. Je vais également faire un travail de recherche comparatiste sur les grands processus et les grandes politiques.


Quelles sont vos motivations pour choisir LAM comme laboratoire d’accueil dans cette mobilité ?

Je collabore régulièrement avec des agronomes et des économistes. Pour mieux comprendre cette gestion des pénuries, il était intéressant de travailler avec des chercheurs et chercheuses ayant une vision plus politique. Cette multidisciplinarité et cette transversalité palpables au sein du laboratoire LAM me paraissait idéale pour creuser mes questions.


D’où vient cet intérêt pour la recherche en lien avec l’eau ?

J’ai toujours été passionnée par l’eau. J’ai d’abord travaillé sur la qualité de l’eau. On devait faire des relevés en permanence, ce qui n’était pas compatible avec l’enseignement. De plus, ces données sont très souvent analysées sous le prisme des sciences naturelles, quantitatives, avec une vision très technique et environnementale ; mais très peu analysées sous le prisme des sciences sociales.

Et je pense qu’avec les changements climatiques, l’intérêt de travailler sur les manques d’eau et leur instrumentalisation est d’autant plus d’actualité et primordial.

Si on prend l’exemple des agriculteurs, ils souhaitent utiliser moins d’eau mais si les productions qui se vendent sur le marché de la consommation sont des productions très gourmandes en eau, ils vont suivre les besoins du marché plutôt que les besoins de l’environnement. Les changements sont difficiles à mettre en place.



Interview réalisée par Aurore Epiphanie PROST pour LAM, septembre 2022