Sara PANATA rejoint LAM dès le 01/10/2022

Sara PANATA rejoint LAM dès le 01/10/2022

Chargée de recherche CNRS en section 33 (Histoire des mondes modernes et contemporains), Sara PANATA vient de rejoindre l’équipe des membres permanents de LAM. Historienne, elle a travaillé sur l’histoire des mouvements féminins au Nigeria (1944/1994) et commence un nouveau projet sur l’histoire du suffrage universel en Afrique de l’Ouest anglophone (Sierra Leone/Ghana/Nigeria) des années 1920 aux années 1970.

Le projet qu’elle mène à LAM s’effectue au sein de l’Axe 1 du projet de recherche du laboratoire : État, régulations et contestations dans les Afriques.

Sur quelles thématiques portent généralement vos recherches en histoire contemporaine?

Je suis historienne des mobilisations sociales et politiques au XXème siècle.

Depuis 2013, mes travaux ont porté sur les mobilisations féminines, les mouvements féminins et féministes et les trajectoires biographiques de militantes pour les droits des femmes au Nigeria.
Ma thèse Le Nigeria en mouvement(s), soutenue en 2020, revient sur le parcours de onze mouvements féminins nigérians entre 1944 et 1994. Ce travail propose un autre regard sur l’histoire sociopolitique du pays, habituellement écrite au masculin, sur l’histoire intellectuelle du nationalisme, fréquemment écrite à partir des archives des partis politiques et des hommes militants, ainsi que sur l’histoire globale des féminismes, souvent écrite à partir des pays des Nords.

Mon nouveau programme de recherche propose une histoire du suffrage universel en Afrique de l’Ouest anglophone (Sierra Leone, Ghana et Nigéria) dans le temps long (années 1920 – années 1970).

Mes recherches font dialoguer plusieurs bibliothèques : histoire globale, histoire africaine, études de genre, sociologie historique du vote et sociologie des mobilisations. Elles mêlent les sources écrites (archives institutionnelles, archives privées [personal papers], sources grises), avec des sources orales et audio-visuelles.  

Quelles principales questions traitez-vous actuellement ?

Je travaille en ce moment à la publication et à la traduction de ma thèse.
En même temps, j’entame le nouveau projet de recherche avec lequel j’intègre LAM : Dans les coulisses du suffrage universel. Mobilisations suffragistes, droit de vote et élections en Afrique de l’Ouest anglophone (années 1920-années 1970).
Ce programme veut étudier un demi-siècle de débats, mobilisations, législations et pratiques du vote en Afrique de l’Ouest anglophone. Il pose le regard sur les acteurs et les actrices pionniers des débats et mobilisations pour l’élargissement du suffrage en Afrique de l’Ouest anglophone, sur les textes de lois et les débats autour du suffrage, sur les mobilisations, individuelles et collectives, mises en œuvre pour opérer cette ouverture ainsi que sur les formes d’appropriation de l’acte de vote par les populations une fois celui-ci obtenu (lors des campagnes électorales et des élections).
L’objectif global de ce programme est double. Premièrement, l’étude de l’histoire sociale du suffrage universel en Afrique de l’Ouest anglophone, avec une perspective intersectionnelle, attentive aux exclusions multiples (de genre mais aussi de classe, race, religion, « ethnie », région etc.) autour de la citoyenneté politique, invite à questionner les contours d’une politique formelle pensée, depuis les années 1920, par et pour certaines catégories d’hommes. Deuxièmement, les spécificités de l’étude de la citoyenneté politique à partir de ces trois pays invitent à relire l’histoire globale du suffrage universel, très centrée sur les récits et les combats suffragistes européens et américains.

D’où vient cet intérêt pour vos recherches ?

Italienne, j’ai fait mes études secondaires en Italie dans un contexte de profonds bouillonnements politiques autour des questions d’immigration.

Alors que je venais d’avoir accès aux urnes, l’Italie était clivée autour des questions migratoires, qui avaient (ré)activé de multiples débats racistes de la part de l’extrême droite italienne. L’immigration africaine en Italie faisait tout particulièrement couler beaucoup d’encre et la présence d’une communauté nigériane importante en Italie occupait une partie importante dans ces débats. Plusieurs analyses faiblement documentées sur ces pays sortaient alors dans la presse italienne. Dans ce contexte, je me suis intéressée de plus en plus à l’histoire de l’Afrique de l’Ouest, motivée par l’envie d’aller au-delà des débats stériles et superficiels qui circulaient et de participer à la production d’un contre-discours documenté.

En licence de sciences politiques internationales à l’Université de Trieste, j’ai alors demandé une mobilité internationale à l’INALCO de Paris qui m’a permis de suivre plusieurs cours d’histoire de l’Afrique. Je me suis tout particulièrement passionnée pour l’histoire du Nigeria, grâce aussi à l’énorme littérature historique sur le pays. Les textes des historien.ne.s Bolanle Awe, LaRay Denzer, Nina Mba et Cheryl Johnson-Odim sur l’histoire des femmes au Sud-Ouest du Nigeria m’ont particuliarement passionnée. Ils me permettaient de penser des combats, modes d’actions et revendications féminines qui empruntaient d’autres voix que celles que je connaissais par ma culture scolaire et académique italienne et qui me permettaient de penser d’autres engagements, d’autres définitions des féminismes, d’autres manières de penser la position politique et sociale nationale des femmes.

Passionnée par ces lectures, je me suis inscrite à un Master recherche d’histoire africaine à Paris 1, sous la direction d’Anne Hugon, spécialiste d’histoire des femmes et du genre. Je voulais d’abord travailler sur l’impact de la colonisation sur les définitions des masculinités et féminités au Nigeria du Sud et sur les réactions des mouvements féminins locaux à ces redéfinitions des rôles de genre. A la fin de mon master, les rencontres avec les historien.ne.s de l’Ecole d’histoire de l’Université d’Ibadan, comme Bolanle Awe et Olutayo Adesina, ainsi que les rencontres avec plusieurs militantes pour les droits des femmes, m’ont permis de réfléchir à d’autres questionnements, sur lesquels j’ai depuis centré mes recherches : l’engagement social mais aussi et surtout politique des mouvements féminins dans le temps long, l’internationalisation de ces mouvements à l’échelle ouest-africaine et internationale, et par conséquent leur impact sur l’histoire globale des mouvements féminins, ou encore l’importance de l’histoire orale pour une plus fine compréhension des silences des sources quant à l’activité de ces mouvements. Les lacunes historiographiques rencontrées pendant ma thèse sur la question de l’accès des femmes (mais aussi de certaines catégories d’hommes) aux urnes m’ont porté ensuite à m’interroger sur la citoyenneté politique et le suffrage universel et à élargir mes recherches à l’Afrique de l’Ouest anglophone, en suivant les échanges entre acteurs et actrices sur ces thématiques.

Quelles sont vos motivations pour choisir le LAM?

LAM héberge une équipe pluridisciplinaire dont les réflexions s’axent autour de la citoyenneté, des contestations et du politique en Afrique. Bâtir les réflexions sur ce sujet dans cet environnement me permettra d’enrichir mes questionnements en rapprochant des bibliothèques multiples (histoire sociale du politique, études de genre, sociologie du droit et du vote, sociologie des mouvements sociaux, sociologie et anthropologie du politique). De plus, le LAM héberge des chercheur.e.s travaillant sur le Nigeria, comme Vincent Foucher et Côme Salvaire, comme d’autres sur des questions de genre, comme Marième N’Diaye ou Marius Kamala.