Projet Région Nouvelle Aquitaine : Droit positif, famille et moralité sexuelle

Projet Région Nouvelle Aquitaine : Droit positif, famille et moralité sexuelle

Droit positif, famille et moralité sexuelle / Projet Région Nouvelle Aquitaine « La positivisation du droit et des normes en contexte islamique »

Contexte et objectifs du projet

Dans un contexte de forte présence musulmane en France et en Europe, de très grande médiatisation des questions et événements touchant à l’islam et d’une effervescence du discours sur la « charia », il apparaît indispensable de mieux saisir comment l’islam se formule aujourd’hui dans les termes du droit. Cela vaut pour les pays où la majorité de la population est sociologiquement ou convictionnellement musulmane comme pour ceux où les musulmans, sociologiques ou de conviction, forment une minorité. Il est important, en effet, dans le premier cas, de mieux comprendre comment l’islam y influence le droit, mais aussi comment le droit moderne y a transformé l’islam, non pas seulement pour le plaisir de la connaissance, mais aussi parce que les populations originaires de ces pays ne migrent pas sans transporter avec elles certaines conceptions de la religion, du droit et de leurs relations, conceptions dont il est fondamental de prendre la mesure. Mais il est aussi important, dans les contextes où l’islam est minoritaire, à commencer par la France, de s’interroger sur une double question : celle des représentations du droit que les justiciables musulmans véhiculent dans leurs rapports à la justice ; celle des représentations que les acteurs du droit, en tête desquels les juges, peuvent avoir de l’islam et de ses normes.

Ce projet a pour ambition de décrire et analyser la question de la saisie de l’islam par le droit positif. Nous appelons cela la « positivisation de l’islam ». Pour ce faire, différents cas d’étude sont sélectionnés dont l’analyse suit des déclinaisons contrastées en fonction des temporalités historiques, de la position démographique de l’islam, de la nature politique des régimes et des domaines du droit concernés. Pour chacun de ces pays, choisis en fonction de la place que l’islam y occupe, la positivisation juridique de l’islam est étudiée dans sa profondeur historique, dans le domaine du droit des mœurs, en fonction de son contexte politique et à travers ses pratiques législatives et judiciaires.

Le premier objectif est la constitution d’une base de données. Cette base doit collecter les textes législatifs, les décisions judiciaires, les documents juridiques et les études scientifiques, entre le début du 19e siècle et le moment présent, selon les temporalités propres à chaque Etat. La base de données est conçue de manière à être consultable par toutes les personnes demandant à faire partie du réseau de chercheurs créé en même temps que le projet est lancé.

Le deuxième objectif est analytique. Il s’agit, pays par pays, de produire des analyses du phénomène de positivisation juridique de l’islam, dans le but de montrer à la fois comment ces pays se rattachent à une dynamique globale et comment ils suivent une trajectoire qui leur est propre. Il s’agit aussi de voir comment cette question se conjugue, selon la chronologie dans laquelle s’intègre chaque Etat, en fonction entre autre des contextes politiques, et les domaines du droit considérés.

Le troisième objectif est ethnographique. L’ambition est de produire, sur certains cas choisis et accessibles, des descriptions des affaires qui aillent au-delà des seules décisions de justice. Il convient alors de suivre la séquence de leur déroulement, l’intervention des différents protagonistes, la production de la pertinence juridique, la prise en compte des contraintes procédurales, l’insertion de la décision dans des réseaux dialogiques dépassant l’instance judiciaire. Ce travail est ethnographique dans un sens particulier : il vise à la description de l’ensemble des pratiques constitutives de l’activité spécifique des protagonistes d’une affaire particulière. Le dossier de l’affaire est son point d’entrée privilégié.

Le quatrième objectif est d’ordre théorique. Il porte sur trois questions spécifiques : la positivisation juridique, ce que le droit fait à l’islam, la relation entre régime politique et traitement juridique de l’islam. Sur ces trois questions, on fait l’hypothèse que la collecte de données et les études de cas permettront le développement de certaines généralisations et formalisations. Il s’agit donc de faire converger histoire du droit, anthropologie des pratiques juridiques et théorie générale du droit, avec l’ambition de produire une théorie sociohistorique du droit porteuse d’un nouveau comparatisme mettant en perspective les droits positifs des Etats contemporains.

Le projet s’inscrit dans une des priorités de la Région, à savoir la « structuration de recherches thématiques, pluridisciplinaires ou interdisciplinaires, proposées dans le cadre de coopérations régionales inter-site universitaires offrant des perspectives de retombées pour le territoire régional ». Elle associe en effet au LAM (IEP Bordeaux) un centre de recherche (Centre Aquitain d’Histoire du Droit, Université de Bordeaux) et un Master (Master de Droit des Echanges Euro-Méditerranéens, Université de Bordeaux). Elle s’appuie en outre sur un partenariat avec l’Institut de découverte et d’étude des mondes musulmans de Bordeaux. L’Ecole nationale de la magistrature a aussi été sollicitée sans qu’il n’ait été possible de finaliser en temps un partenariat. Notons enfin que le projet s’inscrit dans les grands défis sociétaux dans la mesure où la question de l’intégration des populations musulmanes relève de l’ambition de développer une société plus inclusive et participative.

État des connaissances

Ce projet pose une hypothèse forte : contrairement à la thèse dominante que soutiennent Talal Asad (2003) et son école (p.ex. Agrama, 2012), ce n’est pas la sécularisation, entendue comme séparation du politique et du religieux, qui est caractéristique, comment cela est souvent avancé, de la modernité, comprise comme projet idéologique et moment historique (voir p.ex. Schaffer, 2014, Latour, 1991). C’est bien davantage le phénomène de positivisation, lequel touche aussi bien le droit que la religion (Bowen, 2007 et 2018 ; Bowen et al., 2014), et donc les relations entre droit et religion (voir p.ex. K. von Benda-Beckmann et al., 2013). Ce glissement de la sécularisation à la positivisation implique que la religion n’est pas nécessairement exclue du droit, mais que sa nature, son statut et sa place connaissent un déplacement radical, à la mesure des mutations du droit lui-même. Cette thèse originale, qui appelle à un changement de paradigme (Kuhn, 1996), fait sauter les verrous posés par les théories de la sécularisation. Elle permet, à partir et au-delà du cas français, de penser à frais nouveaux la place de la religion et de sa régulation dans nos sociétés, et particulièrement les défis posés par la perpétuation de son influence sur les cadres moraux (Miller, 2005) et la pluralisation des références normatives (Bowen, 2014).

Norberto Bobbio (1972) distingue trois aspects du positivisme juridique : un mode d’approche du droit, une certaine théorie du droit, une certaine idéologie de la justice. Entre ces trois aspects, il n’existe pas, dit-il, de lien logique, mais seulement un lien historique. Michel Troper (1994) nuance cette dernière affirmation en soulignant que l’idée que l’on se fait du droit a une influence sur la conception de la science du droit et, à l’inverse, que la conception de la science du droit a une influence sur la définition de son objet et les propriétés qu’on lui attribue.

La positivisation est le processus par lequel cette conception du droit apparaît, se développe et s’impose. Par positivisation du droit, on entend donc l’élaboration intentionnelle et délibérée de normes systémiquement articulées les unes aux autres, adossées à un pouvoir souverain prenant la figure de l’Etat, constitutives du « devoir-être » social, auto-référencées et constituées en objet de science. Cela correspond au passage d’un discours normatif constatif, c’est-à-dire d’une normativité présentée comme étant « déjà là », qu’il convient donc de découvrir, à un discours normatif performatif, celui d’une normativité conçue comme instrument d’ingénierie sociale, qu’il faut en conséquence construire (voir e.g. Bobbio, 2015, Raz, 2015, Goyard-Fabre, 1975, Weber, 1978, Halpérin, 2014, Kuran, 2011, Bras, 2015 ; contra : Murphy, 2015).

Un des traits majeurs du positivisme juridique et, partant, de la positivisation du droit est l’établissement du droit, de la morale et de la religion en domaines normatifs distincts. Cela a pour principale conséquence, non pas la séparation de la religion et du droit, mais bien l’absorption de la régulation religieuse par le droit. On parlera de positivisation juridique de la religion pour désigner le processus par lequel la conception positiviste du droit s’empare de la religion, de son organisation et de son action normative.

La positivisation juridique de la religion est un phénomène global, en ce sens qu’elle s’est étendue progressivement à l’échelle planétaire (Raj et Sibum, 2015, Pfersmann, 2010, Halpérin, 2014, Rubin, 2016). Elle a en même temps opéré à des rythmes propres et selon des modalités particulières à chaque société, et ses formes de traduction locale sont extrêmement variées (voir e.g. Kuran, 2011, Kayaoglu, 2010, Wood, 2016, Watson, 1974, Lombardi, 2006, Ghazzal, 2015). La positivisation juridique de la religion, qui prend souvent l’apparence d’une juridisation de cette dernière, est un phénomène dont on peut décrire le développement historique et les incarnations pratiques, dans un comparatisme aussi bien diachronique que synchronique (voir p.ex. Miller, 2005, Moustafa, 2018, Sloane-White, 2017). Ses effets sont observables dans tous les domaines du droit et de la religion, dans tous les contextes sociétaux, sous toutes les formes de régime politique.

Le phénomène de positivisation juridique de la religion n’a pas épargné les sociétés musulmanes. Sous l’effet de la colonisation, de la modernisation autoritaire, de la domination, de la condition majoritaire ou minoritaire, de l’émergence d’Etats-nations ou de la simple contagion des idées, les mondes musulmans ont été imprégnés et se sont emparés de cette nouvelle épistémologie pour reformuler et transformer leurs systèmes normatifs, qu’ils soient politiques, juridiques, religieux ou moraux. La positivisation des normes a conduit, dans ces sociétés, non pas à une séparation stricte de la religion et de l’Etat, mais à une redéfinition radicale des termes mêmes de l’équation sociale : droit, religion, Etat, morale, économie, société, gouvernance, politique, technique, science, famille, individu. Cette même positivisation des normes a entraîné une saisie de l’islam par le droit (e.g. Kuran, 2011, Bras, 2015, Moustafa, 2018).

Soubassements théoriques et implications méthodologiques

Nous posons comme principe que la distinction entre droit, religion et moralité est une distinction moderne et donc contingente. Elle est l’héritière d’un processus de positivisation juridique qui a fait du droit un ordre autonome (Dupret, à paraître). Faire l’étude des relations entre droit et religion, aujourd’hui, signifie dès lors de saisir le droit positif comme d’un concept doté de son ontologie historique propre et des traductions pratiques originales.

Le droit n’est pas une réalité empirique mais un concept développé à un certain moment de l’histoire pour exprimer l’idée d’un ordre normatif particulier. Il doit donc être traité sous l’angle de ses actualisations historiques et de ses incarnations pratiques. L’étude conceptuelle et historique du droit doit être complétée par l’analyse de ses incarnations pratiques. Nous concevons notre travail comme une tâche de description d’usages empiriquement attestés du concept, dans des contextes contrastés. Après avoir identifié le moment de sa naissance, certains de ses éléments contextuellement constitutifs et la dynamique de son autonomisation vis-à-vis d’autres répertoires normatifs, tels que la religion et la moralité, il s’agit d’entreprendre l’étude praxéologique des façons dont professionnels et profanes du droit se réfèrent au droit et le pratiquent dans l’accomplissement ordinaire de leur vie et de leurs tâches (voir Tamanaha, 1999). C’est ce que nous appelons « ethnométhodes juridiques » (Dupret et al.), c’est-à-dire les méthodes ordinaires et spécialisées utilisées pour « agir en sorte d’être juridique » (Garfinkel, 1974 : 16) dans la pratique du « droit à proprement parler » (Austin), du droit positif autrement dit.

Ces différents soubassements convergent vers le développement d’une théorie sociohistorique du droit. Sous l’appellation d’« histoire pragmatique », Simona Cerutti (2008) appelle de ses vœux l’adoption d’une démarche historienne qui rende compte de l’attitude pratique des membres de la société à l’égard des différentes institutions, raisons, logiques et normes sociales à la construction desquelles ils contribuent activement. Elle aspire à la recherche de catégories qui ne soient pas anachroniques et soient pertinentes dans la perspective des acteurs et d’un point de vue pratique. A propos du droit, elle insiste sur le fait que les cultures juridiques constituent des ressources localement mobilisées à des fins pratiques particulières. Elle souligne ainsi que les documents juridiques incorporent le plus souvent les raisons mêmes de leur rédaction. Cette histoire pragmatique peut être étendue à des contextes contemporains. En combinant les approches analytique, grammaticale et praxéologique avec la théorie, l’histoire et l’ethnographie du droit, on en arrive ainsi à dépasser la dichotomie opposant le droit des livres au droit en action.

Originalité, intérêt, impact

Cette recherche est à la fois fondamentale et appliquée. Fondamentale, en ce qu’elle entend documenter dans ses dynamiques macro et dans ses réalisations micro les transformations profondes des normes encadrant les communautés musulmanes aujourd’hui. Appliquée, dans la mesure où elle permet de prendre une mesure directe de la relation de ces communautés au droit et de l’appréhension par la justice française de ces communautés.

L’impact du projet se situe en premier lieu à un niveau scientifique. Totalement pionnier de par sa thématique, son comparatisme, l’association des perspectives théorique, historique et praxéologique, et son ambition, le projet pose les jalons de publications de référence (encyclopédie et handbook), en français et en anglais. En outre, la base de données, première du genre à l’échelle mondiale, constituerait le support documentaire indispensable aux études de ce type, bien au-delà du terme du projet et de sa thématique spécifique.

La bonne conduite de ce projet assurerait, sur le site de Bordeaux, au LAM et à l’IEP, par l’entremise du Groupe de Recherche Normativités et Islam, une place centrale, à l’échelle française, européenne et internationale, dans l’étude des normativités, en général, et des normes en contexte musulman, en particulier ; partant, ce serait le domaine des études sur l’islam en général qui se trouverait profondément structuré.

L’étude du droit dans ses dimensions historiques et pratiques est fondamentale dans la connaissance des sociétés modernes. Il en va de même de toutes les recherches portant sur la place de l’islam dans la vie des sociétés et des institutions, que ce soit dans les sociétés à majorité musulmane ou ailleurs, et particulièrement en Europe et en France. En outre, la population de confession musulmane est importante en Région Aquitaine (4% de la population en Gironde). Composée principalement de Français et d’étrangers d’origine sénégalaise, marocaine et algérienne, cette population entretient des rapports complexes aux normes religieuses qu’il convient d’étudier de manière approfondie. La relation de la justice française à ces normes mérite aussi une attention particulière, non pas seulement dans ses positions de principe, mais aussi dans la dimension plus concrète de ses pratiques. De la même façon, l’enquête sur les conceptions du juridique, du religieux et de la régulation juridique du religieux, dans les pays d’origine comme dans le contexte français, contribuerait substantiellement à l’élaboration des politiques publiques, notamment dans les phases d’évaluation des enjeux et d’identification des coalitions de cause.

Mode opératoire, méthodologie, transdisciplinarité, internationalité

La question traitée par ce projet s’entend selon quatre déclinaisons principales. La première est historique. Elle conduit à distinguer plusieurs contextes. Premièrement, celui du « long dix-neuvième siècle », marqué par l’impérialisme européen, le début de la deuxième vague colonisatrice, la diffusion de la modernité triomphante, la création des Etats-nations, les projets de réforme et de modernisation. Deuxièmement, le contexte du « court vingtième siècle », marqué par conflits mondiaux, l’internationalisation, les luttes d’indépendance et les mouvements nationalistes, qui se traduisent par un recours au droit positif et à son discours pour fonder la création, la souveraineté et l’organisation de l’« Etat nouveau ». Le troisième contexte est celui du temps présent, marqué par la naturalisation du droit positif comme instrument de régulation sociale, y compris en matière religieuse, en même temps que l’émergence de nouvelles formes normatives, dont les indicateurs de performances et les standards.

Une deuxième déclinaison est d’ordre démographique. La positivisation du droit procède de manière très contrastée, en contexte musulman, selon que l’islam est une confession hégémonique, majoritaire, minoritaire, importée par les migrations ou résiduellement autochtone. Ainsi la situation n’est-elle pas la même au Maroc, en Malaisie, en Inde, en Allemagne ou en Bulgarie. L’affirmation de la souveraineté politique et juridique de l’islam est sans doute moins problématique et conflictuelle quand il est en situation hégémonique (p.ex. le Maroc) que quand existent d’importantes minorités religieuses, dont l’existence pousse souvent à une surenchère identitaire (p.ex. l’Egypte). Le caractère minoritaire de l’islam pousse, pour sa part, à la recherche de solutions de compromis (p.ex. l’Inde) ou, au contraire, à un repli identitaire (p.ex. la Grèce). Le transport de l’islam dans des contextes où sa présence n’est pas historique, par le biais des migrations essentiellement (p.ex. la France), conduit à des reformulations différentes de celles qu’on peut observer dans des sociétés où sa présence est ancienne, bien que marginale (p.ex. la Bulgarie).

La positivisation juridique de l’islam (mais pas seulement) se décline aussi différemment selon le caractère du régime politique dans lequel elle survient. Dans les régimes démocratiques, souvent marqués par un principe de neutralité de l’Etat, voire de laïcité – les deux principes ne doivent pas être confondus et correspondent à des configurations très différentes en Europe –, le droit positif se saisit de l’islam comme d’une religion parmi d’autres, en théorie, comme d’une religion minoritaire mais problématique, en pratique (p.ex. la France et l’Allemagne). On observe souvent le retour par la bande de considérations morales et religieuses dans l’usage et la pratique de catégories juridiques en principe déconfessionnalisées. Dans les régimes illibéraux, le droit positif est souvent utilisé dans le but d’assurer la mainmise de la majorité (plus ou moins) démocratiquement élue (p.ex. la Turquie). Selon qu’il est majoritaire ou minoritaire, l’islam se retrouve en situation d’hégémonie ou de subordination, sous couvert de normes à l’apparence neutre. Dans les régimes autoritaires, c’est à l’instrumentalisation complète de l’islam qu’on assiste, celui-ci étant asservi au pouvoir politique, lequel s’appuie lui-même sur le droit positif pour asseoir son contrôle (p.ex. l’Egypte).

Cette positivisation juridique de l’islam se décline enfin, quatrièmement, selon les domaines du droit où elle opère. De manière non exhaustive, on peut en distinguer trois. Dans le domaine du droit politique, la normativité islamique (charia, doctrine juridique) peut acquérir une place dans la hiérarchie des normes, tandis que l’islam peut se voir assigner un statut de religion d’Etat ou une fonction de définition de l’identité nationale, devenir une condition d’accession à la tête de l’Etat ou être investi d’un rôle régulateur en matière religieuse et éthique. Dans le domaine du droit économique, certains principes de la normativité islamique peuvent servir de base à la redéfinition des règles des finances publiques ou de la fiscalité, voire, de manière plus diffuse, dans l’ensemble du droit des obligations et des contrats. Mais c’est évidemment dans le domaine du droit des mœurs que la positivisation juridique de l’islam se fait le plus ressentir, que ce soit en matière familiale, dans la bioéthique ou sur les questions de moralité sexuelle. Le phénomène de positivisation n’opère pas nécessairement au même rythme dans les trois domaines. Ces différentiels revêtent un intérêt particulier en ce sens qu’ils reflètent les caractéristiques propres à chaque pays et à chaque configuration politico-sociale.

Le présent projet se concentre sur le domaine du droit des mœurs. Celui-ci ne se cantonne pas au statut personnel (mariage, divorce, filiation, successions), bien qu’il y occupe une place importante. Il s’étend à la gestion juridique de la moralité sexuelle, qui occupe une place importante dans l’activité législative et judiciaire de nombreux pays. La bioéthique a également fait une apparition remarquable. L’observation comparative et contrastée du traitement de ces questions, selon les déclinaisons exposées ci-dessus entre autre, fera apparaître des constantes et des particularités. On observera aussi les relations que ces questions entretiennent avec les autres domaines du droit (par exemple, la référence constitutionnelle à la charia a un impact direct sur la législation en matière familiale ; de la même façon, le droit économique est directement touché par l’influence de la norme islamique en matière d’héritage).

Dix pays sont choisis en raison des cas de figure particuliers qu’ils incarnent. Chaque cas de figure nous intéresse dans la mesure où il fait ressortir, en creux, les spécificités des autres, et particulièrement de l’instance paradigmatique française. Cinq pays africains (dans lesquels l’immigration en France trouve un vivier important), à savoir le Sénégal, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et l’Egypte sont mis en perspective de la France et d’autres cas de figure imporants, européens, comme la Grèce et l’Allemagne, ou extra-européens, comme le Liban et l’Indonésie. L’accent est mis sur la France et plusieurs pays qu’elle a anciennement colonisés, et dont une partie de sa population musulmane est originaire. Les autres pays considérés présentent un intérêt comparatif particulier, de par leur importance démographique, leur influence internationale ou le cas de figure spécifique qu’ils représentent. Voici les raisons de ce choix pour les pays des deux premières phases.

Paradigme français :

  • Il est essentiel pour le projet d’inclure des pays occidentaux, dans la variété de leurs configurations juridico-religieuses (entre autre la différence entre laïcité à la française et neutralité de l’Etat à la belge). Avec son passé colonial, la forte présence musulmane sur son territoire, son histoire juridique paradigmatique et globalement centrale, son régime politique démocratique, sa laïcité exacerbée et son hyper-sensibilité à l’islam, en lien d’ailleurs avec l’existence de cette importante population musulmane originaire souvent de pays qu’elle a colonisés, la France constitue un pays essentiel à la bonne réalisation de ce projet comparatif. Elle constitue même l’étalon de mesure du phénomène étudié de manière comparative.

Pays africains :

  • Pays à majorité musulmane (+95%) mais république constitutionnellement laïque, le Sénégal présente une architecture spécifique, celle d’un « Etat à deux têtes » (politique et confrérique) unis par une forme de « contrat social ». Aucun texte n’y précise le sens exact conféré à la laïcité, ce qui donne lieu à de nombreuses controverses, notamment sur le terrain juridique. Le Sénégal est dans un rapport de miroir avec la France, son ancien colonisateur, qui a laissé une empreinte durable. D’importantes reconfigurations du champ islamique (les confréries concurrencées par des courants réformistes et islamistes) soulèvent des interrogations sur la capacité du régime (démocratique) à intégrer/gérer ces changements.
  • Maroc : une majorité musulmane écrasante mais avec une population juive à la présence historique, une histoire coloniale relativement brève mais très influente, au cœur de l’islam malékite, une monarchie légitimée religieusement, un régime politique modérément autoritaire, des mouvements séculier et laïc actifs, à l’intersection du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne, autant de critères faisant du Maroc un pays central dans le projet. A cela s’ajoutent des connexions académiques intenses et une chercheuse marocaine particulièrement compétente.
  • En Algérie, l’héritage romano-germanique se décline dans tous les domaines du droit, y compris le Code de la famille, le colonisateur s’étant efforcé d’altérer les règles du droit musulman pour les rapprocher du droit français considéré comme un modèle. En recouvrant leur souveraineté, les Algériens ont hérité, entre autres objets juridiques, de ce droit positif musulman. Ils ont retrouvé, sous la même forme altérée, la coutume kabyle. D’abord reconduit, ensuite théoriquement abrogé, le système juridique hérité de la France s’est perpétué et transformé, avec la consolidation considérable du mouvement de codification, de même que la la résurgence du droit musulman et de la coutume kabyle, mais dans une forme positivisée.
  • premier Etat musulman à s’être doté d’une constitution, au dix-neuvième siècle, la Tunisie a toujours été à l’avant-garde du mouvement de positivisation du droit. La codification s’est faite au début du vingtième siècle et s’est poursuivie à l’indépendance. Elle a atteint le droit matériel pénal (Code pénal de 1913) et civil (Code des obligations et des contrats de 1903) ainsi que la procédure (code de procédure pénale de 1921 entièrement refondu en 1968 ; code de procédure civile de 1910 entièrement refondu en 1959). Mais c’est seulement à l’indépendance (1956) que fut codifié le statut personnel. Avec la codification et la suppression des tribunaux religieux, l’Etat est devenu le lieu unique de la production juridique. La réforme du statut personnel est cependant plus difficile, ce dont atteste le récent projet de loi de 2018 modifiant certains articles du Code relatifs à l’égalité dans l’héritage et rejetant les propositions de réforme faites par la COLIBE (Commission libertés individuelles et égalité créée en 2017).
  • Egypte : premier pays arabe démographiquement, doté d’une minorité chrétienne importante, historiquement premier aussi dans la construction d’un Etat-nation et d’un système juridique moderne, central dans la production doctrinale islamique, avec un rayonnement juridique majeur, successivement province de l’empire ottoman, colonie britannique et foyer du nationalisme arabe, berceau du mouvement islamiste et du processus de réislamisation, avec un régime politique autoritaire et militaire, l’Egypte compte au nombre des pays dont l’expérience est paradigmatique. Le réseau des relations académiques est serré et la chercheuse en charge d’étudier ce pays est une autorité internationale dans le domaine.

Pays européens :

  • Dans le contexte européen, l’Allemagne se distingue par son organisation spécifique des cultes. La Constitution garantit à la fois la liberté individuelle de religion et de conviction, mais aussi la liberté et le droit collectifs de l’exercer dans l’espace public, de même que la création de sociétés religieuses avec lesquelles l’Etat coopère dans différents domaines et dont il finance les activités d’intérêt général. Les musulmans se sont organisés dans ce cadre légal, ce qui a conduit à la transformation de leur pratique religieuse. Cette façon distincte de structurer la religion d’une minorité très significative de la population issue d’une immigration indépendante de toute histoire coloniale fait de l’Allemagne un point de comparaison essentiel.
  • Grèce : petit pays démographiquement, démocratie officiellement laïque mais très marquée par l’Eglise orthodoxe, la Grèce comprend une minorité musulmane historique dont le statut juridique particulier a été figé par le jeu combiné des nationalismes, des accords internationaux, des évolutions politiques locales et des transformations socioéconomiques. Cela se traduit dans tous les domaines du droit, et particulièrement, s’agissant des musulmans, dans le droit du statut personnel. Celui-ci est un hybride dont l’étude s’avère particulièrement pertinente dans le cadre du projet. La présence dans l’équipe d’un chercheur grec ayant consacré de nombreux travaux à la question rend l’inclusion de ce pays aussi pertinente qu’utile.

Autres :

  • Par son pluralisme religieux, juridique et judiciaire dans le droit de la famille, et son système politique consociatif où la légitimité religieuse du politique reste importante, le Liban permet d’étudier la positivisation juridique de l’islam sous un jour spécifique, dans le cadre d’une comparaison entre les droits des communautés musulmanes et chrétiennes. Cette positivisation juridique plurielle comporte des effets potentiels sur la rigidité ou la flexibilité de ces droits face aux demandes sociales inédites, qui réclament la sécularisation des droits de la famille ou leur réforme interne. Il en résulte un débat public sur la part juridique du religieuxet sur le caractère séculier ou non du droit positif. Enfin, la réflexion autour de la place du droit positif dans l’enseignement du droit religieux offre un laboratoire pertinent pour étudier les enjeux politiques et professionnels contemporains de la positivisation juridique du religieux et ses limites.
  • Indonésie : première population musulmane au monde, l’Indonésie est un pays avec une forte présence non musulmane, une histoire coloniale importante, un statut périphérique dans la production doctrinale islamique, un régime politique démocratique, un mouvement islamiste influent. Il est donc de première importance. Des liens étroits avec le réseau académique indonésien et la participation d’un chercheur indonésien de haut niveau rendent réaliste l’inclusion de ce pays dans le projet.

D’un point de vue méthodologique, la perspective suivie dans ce projet est composite. Elle entend allier théorie générale du droit (voir p.ex. Troper, 1994), histoire du droit (voir p.ex. Stolleis, 2014, Duve, 2007) et ethnographie des pratiques juridiques (voir p.ex. Tamanaha, 1999). Par ailleurs, la perspective est résolument comparative, non pas dans la juxtaposition de cas d’étude, mais dans leur mise en perspective et la capacité heuristique que chaque cas détient de faire ressortir les particularités des autres (Halpérin, 2014, Watson, 1974). Les méthodes correspondent aux différentes disciplines engagées dans la recherche : droit et théorie du droit ; histoire du droit et histoire des idées ; sciences sociales du droit et ethnographie.

  • Théorie du droit

La théorie du droit n’est pas une discipline dotée d’une méthode spécifique, au sens des sciences sociales empiriques. Classiquement appuyée sur l’analyse des textes juridiques, aussi bien législatifs que jurisprudentiels, elle cherche, dans sa version positiviste à tout le moins, à saisir le droit dans sa cohérence formelle et interne (Hart, 1961, Schauer, 2015). Son évolution l’a toutefois conduite à prendre en compte, dans une mesure relative, la dimension sociologique et praxéologique du droit, comme en atteste, par exemple, la théorie des contraintes juridiques développée par Michel Troper et Véronique Champeil-Desplats.

  • Histoire du droit

L’histoire du droit a les méthodes des sciences de l’histoire. Son terrain est constitué des archives juridiques et particulièrement judiciaires. Comme on l’a souligné dans la section sur les soubassements théoriques, l’histoire du droit peut être menée dans une perspective pragmatique, voire praxéologique, qui cherche à décrire les pratiques d’un point de vue endogène, c’est-à-dire soucieux du sens que les actes, y compris écrits, revêtent pour les acteurs du droit engagés dans les cours d’action étudiés (voir p.ex. Duve, 2007, Stolleis, 2014, Parolin, 2015). Les méthodes de l’histoire praxéologique du droit sont utilisées pour traiter de périodes historiques comme du temps présent, dans la mesure où, souvent, les seules données disponibles sont celles contenues dans les dossiers judiciaires.

  • Sciences sociales du droit

Les recherches sur le droit adoptent également les méthodes des sciences sociales et, tout particulièrement, de la sociologie et de l’anthropologie. Dans notre perspective, les recherches quantitatives mettent en évidence l’importance des flux judiciaires et les domaines dans lesquels ils se concentrent. Les recherches de type plus qualitatif se concentrent, pour leur part, par le biais des entretiens, de l’observation participante et de la pratique réflexive, sur des affaires choisies en fonction de leur pertinence (voir p.ex. Tamanaha, 1999, Scheffer, 2010). Une forme privilégiée d’enquête est l’ethnographie, laquelle vise à la description la plus détaillée possible de cas d’étude par définition limités en nombre.

  • Praxéologique du droit

Bien que de manière contrastée, les trois perspectives identifiées ci-dessous convergent, pour notre projet à tout le moins, dans une direction praxéologique, c’est-à-dire dans le sens d’une démarche descriptive centrée sur les pratiques juridiques. La théorie du droit le fait en explorant analytiquement les modalités du travail juridique et, en particulier, le type de jeu formel induit par la référence aux règles juridiques. L’histoire du droit le fait en se saisissant des dossiers judiciaires, entre autres documents, comme objets d’étude à partir desquels réactiver le sens donné par les acteurs à leurs actes et aux textes auxquels ils faisaient référence. L’ethnographie du droit procède de manière semblable, par la description détaillée des affaires dans leur séquence propre, en ajoutant éventuellement les éléments que lui révèlent l’observation participante, l’observation directe procès et les entretiens avec les acteurs.

La recherche sur chacun des pays concernés par l’enquête est organisée autour d’un chercheur senior disposant d’un réseau actif permettant une collecte documentaire efficace et un accès direct aux juridictions concernées. Il appartiendra à ce chercheur d’identifier, sur place, un assistant de recherche à même de poursuivre l’enquête et la collecte en son absence. Les doctorants du LAM travaillent tou(te)s sur des objets pertinents par rapport au programme. Leur participation à celui-ci se fera en fonction de leur pays d’enquête et sous l’angle de leur problématique de thèse. Le programme financera des missions de terrain liées à l’aspect de leur thèse qui lui correspond. Bien que la demande de financement soit conséquente, elle ne saurait couvrir, loin s’en faut, les besoins d’une recherche exhaustive. Sur la thématique de « la positivisation, standardisation et densification des normes » au-delà des seules normes juridiques et du seul domaine du droit des mœurs, il est envisagé de donner au projet soumis à la Région une suite européenne (European Research Council).

Tous deux en poste dans le laboratoire Les Afriques dans le Monde, les coordinateurs du projet sont associés de longue date dans le développement de recherches en sciences sociales du droit en contexte musulman. Baudouin Dupret est le promoteur d’une démarche praxéologique saisissant le droit, dans les sociétés arabes principalement, en contexte et en action. Il a porté de nombreux projets nationaux et internationaux, de même qu’il a déjà dirigé des équipes de recherche. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages de référence et de très nombreux articles dans des revues scientifiques importantes. Marième N’Diaye est une politiste spécialisée sur les pratiques du droit dans le monde musulman et particulièrement au Sénégal. Tenante d’une approche ethnographique compréhensive et détaillée, elle est l’auteure de nombreuses publications importantes.

La coordination du projet est complétée par les trois partenaires, à savoir : le prof. Nader Hakim (CAHD, Faculté de droit, Université de Bordeaux) pour le volet « histoire du droit » ; le prof. Jean-François Brisson (MDEED, Faculté de droit, Université de Bordeaux) pour le volet « pratiques juridiques contemporaines » ; et l’imam Tareq Oubrou (Institut de découverte et d’étude des mondes musulmans, Mosquée El-Houda, Bordeaux) pour le volet « mutations de l’islam ».

Les chercheurs référents par pays ont été choisis en raison de leur maîtrise de différents contextes nationaux. Theodoros Koutroubas est un expert des relations entre politique et religion en Grèce contemporaine. Louis-Léon Christians est une autorité sur le droit des religions en Europe. Zineb Omary a conduit ses recherches sur l’institutionalisation de l’islam au Maroc, où elle enseigne la science politique. Monia Benjémia est une référence internationale en matière de droit des femmes en Tunisie. Nathalie Bernard-Maugiron est une experte internationalement reconnue sur le droit en Egypte et dans le monde arabe. Ayang Utriza Yakin est un historien et anthropologue du droit largement reconnu pour ses travaux sur l’Indonésie.

Le Groupe de recherche Normativités en Islam regroupe une dizaine de doctorants au LAM de Sciences Po Bordeaux, autour de Baudouin Dupret et Marième N’Diaye. Ces doctorant(e)s ont en commun de travailler sur les questions de droit dans des contextes marqués par la présence musulmane, qu’elle soit majoritaire (Syrie, Egypte, Algérie, Maroc) ou minoritaire (France, Suisse). Le Groupe de recherche atteste de l’importance prise au LAM par l’étude des normativités et des islams africain, asiatique et européen.

Les partenaires du projet (CAHD, MDEEM, ENM, IDEMM) complètent à la perfection l’équipe dans les domaines de l’histoire du droit, des pratiques contemporaines du droit sur les deux rives de la Méditerranée, sur le paradigme français et son traitement de l’islam, et sur l’étude de l’islam français.

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Partenaires

Baudouin Dupret (DR CNRS)LAMDR1 CNRSb.dupret@sciencespobordeaux.fr
Marième N’Diaye (DR CNRS)LAMCR CNRS 
Louis-Léon ChristiansUniv. Catholique de Louvain (UCLouvain), BelgiquePU 
Theodoros KoutroubasUniv. Catholique de Louvain (UCLouvain), BelgiquePU 
Nathalie Bernard-MaugironCEPED (IRD), FranceDR IRD 
Zineb OmaryLEPOSHS (Univ. Internationale de Rabat), MarocPU 
Ayang Utriza YakinUniv. Catholique de Louvain (UCLouvain), BelgiqueCR 
Joern ThielmannUniv. Erlangen, AllemagneDR1 
Samer GhamrounUniv. St. Joseph de Beyrouth, LibanMCF 
Abdourahmane SeckUniversité Gaston Berger de Saint-Louis, SénégalPU 
Nader HakimUniversité de BordeauxPU 
Jean-François BrissonUniversité de BordeauxPU